La Conférence Nationale des URPS Médecins Libéraux s'insurge suite aux propos de Mr Valletoux à l'occasion de l'inauguration de Santexpo le Mardi 17 Mai 2022

La proposition de stage obligatoire pour les futurs généralistes ne passe pas coté URPS médecins libéraux

Publié le 19 mai 2022

Extrait du communiqué de la Conférence Nationale des URPS Médecins Libéraux en date du 18/05/2022

"Les propos tenus par Frédéric Valletoux, Président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) à l'occasion de l'inauguration du Salon Santexpo, soulignent une fois de plus la méconnaissance et le mépris criants de ce dernier pour la médecine libérale.

M. Valletoux, qui n'en est pas à sa première sortie anti-médecine libérale, a souligné une fois de plus aujourd'hui sa volonté de placer la médecine libérale sous la coupe de l'hôpital. Mais qui compense d'ores et déjà la prise en charge des urgences et des soins non programmés sur les territoires, si ce ne sont les libéraux ?

Ces déclarations sont un non-sens à quelques heures de la nomination d'un nouveau Ministre de la Santé, à quelques semaines des législatives - qui plus est, pour un candidat qui se dit de terrain et qui sollicite le suffrage des électeurs pour être réélu Député de la Nation, donc de tous les Français, y compris des médecins libéraux. Elles témoignent à tout le moins d'une approche hors sol, inutilement clivante des enjeux du terrain, et surtout, inadaptée à la situation vécue par les libéraux au quotidien, et à une prise en charge améliorée des patients.

Ces déclarations témoignent également d'un esprit systématique d'opposition indigne des enjeux auxquels le système de santé est confronté ; ceux-ci imposent, dans la situation démographique actuelle, cohésion, cohérence, complémentarité, agilité et solidarité de tous les acteurs. La situation, tant des hôpitaux, que de la médecine libérale et du secteur médico-social, appelle à la responsabilité et à l'unité, et passe par la reconnaissance du travail de chacun. Le mépris est ici, comme ailleurs, irresponsable.

Plus que jamais, la CN URPS-ML demande au Gouvernement, et à Mme la Première Ministre, de lancer un travail pour fixer et permettre la reconnaissance de ce qu'est la médecine libérale au quotidien, de ce qu'elle a apporté à la crise, du service rendu par les médecins libéraux dans les situations d'urgence comme de suivi des patients. Il est urgent de ne plus mépriser celles et ceux qui, au quotidien, accompagnent d'ores et déjà dans les faits l'hôpital - dont nous ne nions pas les difficultés - à tenir debout. Mais les médecins libéraux ne peuvent être tenus comptables, responsables et réduits demain à de simples supplétifs, pour sauver un hôpital public à bout de souffle. Ils ne peuvent être soumis à des stages obligatoires, à des gardes obligatoires. Sans quoi c'est demain l'ensemble de notre système de santé qui menacera de s'effondrer, faute de vocations et d'installations.

Il est urgent d'agir en lançant une concertation nationale dédiée à ces enjeux, sans attendre, dès la nomination du nouveau Gouvernement. La CN URPS-ML écrira sans délai au nouveau Ministre de la Santé pour le saisir de ces enjeux."


Le discours de Frédéric Valletoux à l'occasion de l'ouverture de Santé Expo

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les représentants des associations d’élus,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Madame la Présidente de la Haute Autorité de Santé,

Mesdames les directrices générales de l’offre de soins, de la cohésion sociale et Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et Messieurs les représentants du service de santé des armées,

Monsieur le Directeur général de l’ANAP,

Mesdames, Messieurs les Présidents d’Ordres professionnels,

Monsieur le Vice-Président, Cher Jean-Louis,

Mesdames et Messieurs les Présidents, Administrateurs et Délégués régionaux,

Mesdames et Messieurs les présidents de fédérations et de conférences,

Madame la déléguée générale, Chère Zaynab,

Mesdames et Messieurs,

Chers Amis,

 

 

La communauté hospitalière avait besoin de se retrouver. Après deux ans d’une mobilisation sans pareil, d’un combat acharné pour prendre en charge et soigner, pour faire face et tenir, pour parer à l’urgence et motiver les équipes, pour faire et défaire, les organisations et les plannings, pour programmer et déprogrammer…, après deux ans de cette période folle et inédite, les hospitaliers ressentent un vrai plaisir à se retrouver. Pour échanger et réfléchir visiblement. Pour renouer des liens certainement. Pour faire corps assurément. C’est en tout cas l’impression que j’ai perçue à sentir l’ambiance de cette première matinée de SantExpo.

Quand je regarde d’ailleurs cette belle assemblée que vous formez, là devant moi, j’ai l’impression qu’il ne manque personne. Quasiment tous ces visages qui font le monde hospitalier sont là.

J’adresse un salut amical à ceux qui font notre maison commune :

  • Les membres de notre convention nationale, de notre conseil d’administration, de notre bureau et de nos commissions ;
  • La présidente et les présidents des conférences ainsi que l’ensemble de la communauté hospitalo-universitaire, sociale et médico-sociale ;
  • Les présidentes et présidents de nos Fédérations Régionales, les délégués régionaux.
  • Sans oublier bien sûr les équipes de la FHF nationale, qui travaillent sans relâche et coordonnent au quotidien nos travaux.

 

Merci à tous de votre présence, ainsi qu’à nos nombreux partenaires, institutionnels ou économiques, venus à l’occasion de ces trois journées de Santexpo, sur le thème de « l’Europe de la Santé : nouvelle frontière de l’intégration ».

A l’heure de la globalisation des risques, l’Europe est notre nouvelle frontière. C’est vrai en matière de Défense, la triste actualité nous le rappelle cruellement. C’est vrai aussi en matière de santé. D’où notre choix, avec l’équipe de la FHF, de nous inscrire dans cette thématique et de participer ainsi à la dynamique autour de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Aussi, je salue tout particulièrement nos partenaires européens et les représentants de la PFUE présents aujourd’hui, ainsi que tous nos partenaires.

Pour le plus important évènement français du monde la Santé, s’inscrire dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne est une chose normale et naturelle. Nous l’aurions fait en toutes occasions. Mais après deux ans d’une pandémie totalement inédite dans notre histoire contemporaine, il était finalement logique d’évoquer la question de l’Europe de la santé, tant nous avons vu émerger, comme jamais, les germes d’un esprit de communauté. Cette crise nous a donné l’occasion de voir naître à l’échelle européenne une réponse exceptionnelle et coordonnée à un risque global. Face à la crise, l’Europe s’est coalisée au service de la protection de ses citoyens.

Face aux crises qui viennent, il nous faut faire ce pari là : le pari de l’unité.

 

Cette crise là nous aura laissé groggy et ses vagues successives que l’on subit depuis deux ans auront, chacune d’entre elles, affaibli un peu plus la digue hospitalière. Cette digue qui sans relâche protège les Français.

Après cinq vagues, est-elle terminée cette la crise du Covid-19 ? Sans doute, le plus gros est-il passé, et les capacités de vaccination que nous avons développées à l’échelle du continent permettront-elles de surmonter d’éventuels rebonds. Mais nous devons rester vigilants. Nous voyons bien du côté de la Chine ou de l’Afrique du Sud que l’épidémie est loin d’être terminée, et le président du Conseil scientifique nous en a d’ailleurs averti.

Nous devons rester d’autant plus vigilants que cette pandémie ne sera pas la dernière que nous aurons à affronter. Avec l’avancement de la crise écologique, il est quasiment certain que d’autres souches virales émergeront et mettront nos services de soins sous tension. Il faut s’y préparer.

Par ailleurs, la crise climatique et environnementale fait peser un risque bien plus grand sur nos capacités de soins que les seules pandémies. Avec la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes, qu’il s’agisse d’inondations ou de sécheresses, il nous faudra être en capacité de répondre à la multiplication des urgences. Les épisodes caniculaires comme celui de 2019 vont devenir plus fréquents et mettre en danger la vie des personnes les plus fragiles et particulièrement de nos aînés.

Les chercheurs nous disent qu’une canicule comme celle qui a eu lieu en 2019 a aujourd’hui une chance sur cinquante de se produire ; à +1.5C° degré de réchauffement, objectif de l’accord de Paris, c’est une chance sur dix.

Enfin, nous allons devoir nous adapter à un contexte international de plus en plus imprévisible. La parenthèse de la fin de l’Histoire s’est refermée. L’Europe comme le reste du monde sont confrontés à des pénuries de matières premières croissantes mais aussi à des conflits armés, lesquels provoquent des drames humanitaires et des revers économiques telle l’inflation galopante qui assèche le pouvoir d’achat de nos concitoyens et n’est pas sans impact sur nos établissements.

 

Le monde qui vient sera incertain. Qui aurait imaginé une épreuve de l’ampleur de la crise du Covid-19 avant mars 2020 ? Qui aurait imaginé il y a quelques mois qu’une guerre d’agression, un tel déchainement de violence et d’atrocités, puisse intervenir aux portes de l’Europe ? J’ai lu la violence de la situation de la situation dans les yeux d’une cardiologue ukrainienne accueillie à Fontainebleau, comme tant d’autres réfugiés dans nos villes. Je suis heureux de savoir que cette femme qui a fui en quelques heures son pays ait pu commencer il y a quelques jours à travailler à l’hôpital de ma ville, en attendant de retourner chez elle, ce qu’elle espère au plus vite. Je cite son cas, mais à travers elle, permettez-moi d’adresser ici, au nom des hospitaliers et, je le sais, de tout l’écosystème santé, une pensée fraternelle et solidaire à nos amis et collègues ukrainiens, mobilisés là-bas dans des conditions épouvantables ou réfugiés dans des conditions toutes aussi précaires. Merci également à toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés pour acheminer du matériel ou effectuer des dons.

Au-delà des crises que je viens de citer, bien d’autres pourraient être évoquées, comme la crise du financement de nos systèmes de protection sociale, l’accélération du vieillissement de nos populations, ou la quête de sens tant exprimée.

Au fond, ces derniers mois, ces dernières années, ont achevé de faire des crises notre quotidien. Si bien que, davantage que de crises, nous devrions parler de changement d’époque. Car nous savons que ces crises vont demeurer, et que de nouvelles nous attendent. Comme le disait Péguy, « il y a des ignorances qui tombent absolument. Il y a des irréversibles dans la vie des peuples comme dans la vie des hommes ».

 

En ce qui concerne la France, les constats ont été nombreux ces derniers mois, ces dernières années, cette dernière décennie. Que n’a-t-on accumulé de rapports en tous sens analysant, disséquant, le système de santé… Pendant longtemps, dans notre beau pays, on a pu considérer qu’apposer son nom sur un rapport était un gage de postérité. Mais, dans le champ de la santé, on peut se demander si ce n’est pas l’inverse qui va se produire : ce sont peut-être les rares qui n’auront pas produit de rapports qui finalement passeront à la postérité. Je taquine, mais ces rapports auront eu au moins le mérite de nous dire qu’il y a maintenant urgence à agir si nous ne voulons pas que demain, ce qui fait encore les points forts de notre système de santé, soit passé par pertes et profits.

Dans nos points forts, il y a notre capacité collective, en ville, à l’hôpital, et dans le médicosocial à délivrer des soins et un accompagnement de qualité et à faire bénéficier chacun des dernières innovations.

Cela ne serait pas possible sans un service public épine dorsale de notre système de santé. Il faut encore une fois rappeler que plus de 80% des patients COVID hospitalisés l’ont été à l’hôpital public, et que ce même hôpital public a su assumer du jour au lendemain la chaine logistique d’une campagne de vaccination à destination de toute la population.

Cela ne serait pas possible non plus sans une recherche forte et notamment sans l’action remarquable des CHU, qui représentent à eux seuls 83% des activités et financements de la recherche, de l’innovation, de l’enseignement et du recours de haut niveau.

En miroir de ces forces, nous connaissons bien sûr nos faiblesses, qui doivent éclairer l’action de transformation du système de santé. Je pourrai en citer plus, mais je me contenterai de n’en citer que trois.

Il y a d’abord ce qui doit nous servir de boussole : l’espérance de vie en bonne santé, qui est inférieure en France de 3 à 5 ans par rapport à nos voisins italiens, espagnols ou irlandais. Cette performance globale insuffisante est associée à des inégalités sociales majeures. L’écart d’espérance de vie à 35 ans entre cadres et ouvriers est de 7 ans chez les hommes et de 3 ans chez les femmes. Je formule le vœu que l’évolution de cet indicateur d’espérance de vie en bonne santé devienne – à côté de la croissance du PIB ou du taux de chômage – un marqueur central de l’évaluation des politiques publiques.

 

Il y a aussi le sous-financement et le mal-financement du système de santé. On le sait, plus de 10Mds€ d’économies ont été demandées aux hôpitaux en 17 ans, et 80% d’entre eux investissent en-deçà du seuil minimal de 3% permettant de renouveler leurs équipements. Si le « quoi qu’il en coûte » et le Ségur ont permis de mettre un frein aux économies comptables, l’Assurance maladie comme la branche Autonomie demeurent largement déficitaires et nous n’avons pas construit les modes de financement au parcours de demain ; en d’autres termes, le financement pérenne du système pose encore question, alors que les établissements ont besoin de recruter et d’investir davantage.

Enfin, je voudrais insister sur le fait que notre système de santé demeure mal organisé à l’échelle des territoires. J’entends par là que nous devons travailler ensemble plus efficacement, ville et hôpital, pour améliorer le parcours du patient. Des progrès notables ont marqué ces dernières années, avec les groupements hospitaliers de territoires, avec les maisons de santé, avec les CPTS. Mais nous sommes encore au milieu du gué.

Sans accélération de nos transformations, sans changement de modèle, ces faiblesses deviendront des handicaps immenses ces prochaines années. Le vieillissement de la population, l’explosion des pathologies chroniques et la menace pandémique n’attendront pas.

Dans ce contexte, il faut d’urgence transformer notre système de santé, et ce doit être la mission du nouveau Gouvernement. Avant d’y venir, je veux évoquer l’action résolue que nous avons menée ces derniers mois pour préserver nos établissements dans les crises, et pour faire de la santé une priorité du débat public.

Crise COVID

Face à crise sourde, moins médiatisée mais toujours présente, la FHF s’est fortement mobilisée pour obtenir des garanties budgétaires pour les hôpitaux et établissements médico-sociaux publics. Rappelons que c’est à la demande de la FHF qu’une garantie de financement a pu être obtenue jusqu’au 30 juin 2022.

C’est également grâce à l’expertise et la mobilisation quotidienne de la FHF que des aides importantes ont été débloquées pour compenser les surcoûts COVID fin 2021. Pour les hôpitaux publics, cela représente 1md€, tandis qu’une dernière enveloppe de 217M€ a été débloquée début 2022 pour les EHPAD, sur notre demande.

Réformes

Au-delà, nous nous sommes battus pour que les réformes vitales du financement de la psychiatrie et des hôpitaux de proximité ne soient pas abandonnées, et fassent l’objet d’une entrée en vigueur progressive et sécurisée, et avons été entendus.

Je tiens aussi à saluer le travail quotidien des équipes de la FHF dans le cadre de la réforme des autorisations et des soins critiques, si importantes, qui vont donner leur plein effet ces prochains mois.

Pour les EHPAD et USLD, la publication de la feuille de route 2021-2023, à laquelle la FHF a largement contribué, dessine de vraies avancées comme le renforcement de la médicalisation des EHPAD, la démarche de regroupement des EHPAD publics autonomes ou la généralisation progressive sur la base du volontariat du tarif global, qu’il s’agit à présent de concrétiser rapidement.

En parallèle, la FHF a une fois de plus largement contribué à placer la santé au cœur du débat public et a formulé des propositions pour une refondation. Ce travail de conviction sera poursuivi ces prochaines semaines.

Ce travail de conviction, cet effort permanent pour ne pas céder par rapport aux attentes exigeantes que nous formulons, cette exigence farouche à ne pas nous détourner des combats que collectivement nous avons mûri et que nous croyons justes, cette volonté permanente de ne rien lâcher de nos convictions et de nos valeurs, jusqu’à parfois tourner le dos aux sirènes du conformisme ambiant…, tout cela, je n’ai jamais voulu y renoncer.

Depuis toutes ces années, j’ai veillé à ce que la FHF, notre maison commune à tous, ne cède ni à la facilité de certains positionnements radicaux, ni à l’esprit de courtisanerie. Depuis toutes ces années, aidé et nourri par le formidable travail des équipes de notre FHF, j’ai toujours tenté un chemin d’équilibre pour que, ce qui devait être dit et dénoncé du sort fait à l’hôpital ne vienne pas nuire à ce qui en faisait au quotidien la force, l’utilité et cette si grande valeur aux yeux des Français.

Depuis des années, nous avons alerté sur les multiples fragilités de notre système de santé. Nous avons appelé les pouvoirs publics au réveil et tenté de sensibiliser l’opinion publique. Mais la photographie de ces failles restait toujours comme en négatif. S’il est une leçon positive à tirer du Covid-19, c’est celle-là : en donnant à voir de manière concrète le résultat de décennies de politiques du rabot, la crise a provoqué une prise de conscience générale. Et par conséquent ouvert la voie à une action de transformation.

Le Ségur de la Santé a constitué une première réponse en termes de rémunérations. Ce fût à la fois une formidable avancée que je suis fier d’avoir signé comme représentant des employeurs, mais qui ne fût qu’un rattrapage. Le temps est maintenant venu des réformes structurantes. C’est pour obtenir de la Nation cette réponse que nous avons annoncé dès le 17 mars 2021, un an jour pour jour après le début du premier confinement, notre volonté de faire de cette date une journée d’hommages et de débat sur l’avenir de la santé.

Et nous avons tenu notre promesse !

Le 17 mars dernier, avec le soutien de plus de cinquante organisations du secteur – représentant tous les acteurs de ville, de l’hôpital, du médico-social, les élus et usagers – nous avons réussi à mettre la santé à l’agenda de l’élection présidentielle en organisant une audition publique des candidats déclarés. Au cœur d’une campagne sans propositions ou si peu, nous avons envoyé un message clair au politique : l’avenir de la santé demande une action résolue et immédiate.

Après cette séquence d’interpellation démocratique, notre communauté entre désormais dans une nouvelle phase. Celle de la transformation concrète.

 

Notre message au nouveau Gouvernement est clair : l’heure n’est plus aux analyses et aux diagnostics mais aux mesures rapides, fortes, profondes et durables

Je sais en effet que les professionnels ne veulent pas d’un nouveau long cycle de constats et d’analyses, mais bien des décisions volontaristes et ambitieuses.

Vous le savez, la FHF a présenté en amont de la séquence électorale une large plateforme programmatique, Ambition Santé 2022, assortie d’une feuille de route à cinq ans destinée à orienter l’action des pouvoirs publics. Nous avons constitué grâce à notre réseau d’expertises, un plan de transformation clé en main, autour de 30 ambitions structurantes aptes à rebâtir notre bouclier sanitaire. Ayant déjà eu l’occasion de vous faire l’article sur ces différentes mesures, je ne reviendrai pas ici sur leur détail.

Je veux plutôt vous parler des décisions qui s’imposent sans délai.

Le sens de l’action, en ce début de mandat, doit être tout entier consacré à la question de la préservation de l’accès aux soins pour tous, à toute heure. Le dire sonne comme une évidence : il y a urgence à agir, il y a urgence pour les patients, il y a urgence pour les hôpitaux publics et nous demandons à être entendus. Au-delà du court terme, auquel il faut répondre, les réponses à apporter doivent éviter que la situation se reproduise d’année en année.

Quelle est cette situation ?

Je vous l’ai dit à l’instant, je ne suis pas de ceux qui versent dans le catastrophisme, mais je ne suis pas non plus de ceux qui peignent des tableaux en demi-teinte.

Il y a d’abord la situation que l’on observe tous les jours.

La plupart des établissements de santé et médico-sociaux publics font face à une situation critique en matière d’effectifs soignants ou médicaux. Le taux d’absentéisme est plus élevé qu’avant la crise, les difficultés à recruter sont fortes, l’intérim et ses dérives battent leur plein, et des tensions majeures existent sur les spécialités médicales assujetties aux gardes et astreintes.

Chez les professionnels, la lassitude s’exprime dans des mouvements que l’on observe à nombreux endroits du territoire. Des lits sont fermés dans plus de trois quarts des établissements, y compris médico-sociaux. Beaucoup de blocs tournent au ralenti et on note dans toutes les régions des fermetures services d’urgence ou SMUR, souvent temporaires mais nombreuses.

Dans ce contexte, qui pèse essentiellement sur l’hôpital public, les activités programmées redémarrent lentement, ce qui constitue un problème de santé publique majeur, après 2 ans de crise COVID qui ont entrainé des retards de prise en charge sans précédent.

Au-delà de la situation actuelle, la perspective des vacances d’été inquiète, avec des équipes qui à la fois ont besoin d’un légitime repos et qui seront réduites en effectifs. Et comme chaque été, il faut bien le dire, l’hôpital public va rester ouvert, tenir bon, soigner tout le monde, mais devra parfois assumer seul la permanence des soins.

Derrière cette situation quotidienne de crise, je voudrais rappeler quelques éléments de constats généraux.

Premièrement, les passages aux urgences explosent depuis plusieurs décennies, en parallèle d’une érosion de l’offre de premier recours, ce qui déstabilise un système de santé qui ne repose plus sur 2 jambes équilibrées.  A l’exception de 5 d’entre eux, les départements français ont tous connu ces 10 dernières années une hausse des passages aux urgences et une baisse du nombre de médecins généralistes, de plus de 10% dans les deux cas pour plus de la moitié d’entre eux ;

Deuxièmement, dans certaines spécialités, la démographie des médecins par territoire n’est pas conforme aux priorités voire aux urgences de santé publique. Dire cela ne met en cause personne, c’est un fait qu’il ne faut pas masquer. Je rappelle que les écarts pour 100 000 habitants vont de 1 à 40 entre les territoires pour les psychiatres libéraux et salariés, alors même que le secteur psychiatrique public fait face à des difficultés sans précédent, en particulier en pédopsychiatrie ;

Troisièmement, la France est-elle frappée d’une pénurie de médecins ? La réponse est « non, pas tant que ca ». En 2020, notre pays comptait 218.400 médecins actifs, contre 214.000 en 2007. 4.000 de plus qu’il y a 13 ans, certes ce n’est pas Byzance, mais ce n’est pas la Bérézina non plus. La France manque tout simplement de médecins qui prennent en charge des malades, disons-le.

Quatrièmement, les obligations qui pèsent sur les acteurs rémunérés par les cotisations sociales obligatoires demeurent déséquilibrées. Ainsi, les professionnels des hôpitaux publics doivent assumer la permanence des soins, répondre à une obligation de gardes et astreintes, et assumer un poids toujours plus grand dans les soins non programmés. Dans le même temps, j’observe que deux réalités cohabitent chez les médecins libéraux. Il y a les 40% de médecins généralistes qui participent aux gardes, qui acceptent que le non programmé fasse partie de leur exercice et prennent plus que leur part et, en même temps, une autre partie de la profession, 60%, ne participe pas aux gardes.

Evoquer cet état de fait irrite parfois. Pourtant, dire que nous devons avoir une réflexion collective sur la participation aux gardes et sur la reconnaissance qui va avec, sur la question du non programmé en ville, est une évidence. Pour les Français, c’est même du bon sens. Dans ce Santexpo européen, je voudrais rappeler que de nombreux pays européens ont eu ce débat. En Catalogne, où l’accès aux soins de premier recours repose sur des centres de soins primaires (CSP), un système d’astreintes a été mis en place pour l’ensemble des territoires, y compris les zones rurales, lors des horaires de fermeture. Et que dire du Danemark ?

Enfin, cinquième et dernier constat, les sujétions, c’est-à-dire les gardes et astreintes, sont sous-payées, sous valorisées. C’est un défaut majeur, qu’il faut corriger d’urgence.

Alors, que faire ?

A court terme

Il y a, bien sûr, d’urgence, toutes les mesures de court terme possibles, que la FHF a portées encore une fois ces derniers jours auprès du Gouvernement :

  • Déploiement de plans de continuité des soins territoriaux, par une mobilisation effective de tous les établissements et cliniques et avec la ville, répartition des efforts entre tous ; doublement des heures supplémentaires et du forfait de temps de travail additionnel pour l’hôpital public qui est sur le pont sans relâche ;
  • Conjointement, pour l’hôpital public, des mesures de revalorisation immédiates et fortes des rémunérations des gardes et astreinte devraient être décidées, ainsi que pour les soignants la revalorisation des indemnités de nuit et de week-ends ;

 

  • Plus largement, nous devons avoir un pilotage fort des ARS, seules en capacité d’assurer un équilibre dans la mobilisation des secteurs public et privé, entre la médecine de ville et l’hôpital, sur le plan des déprogrammations ou des départs en congés par exemple. En un mot, nous demandons que l’effort soit en permanence réparti entre tous les acteurs, et que l’hôpital public ne soit pas seul à pallier ces défaillances du système de santé.

 

Concrètement, cela signifie que les permanences des soins en établissement et en ville doivent être organisées conjointement. Compte tenu de la situation, une obligation de participation de tous les praticiens devrait être décidée en urgence. Chaque praticien devrait s’inscrire sur une ligne de garde ou d’astreinte, en ville (PDSA) ou à l’hôpital (PDSES), lorsqu’elle est jugée indispensable pour l’accès aux soins sur le territoire d’exercice.  Nul ne devrait pouvoir s’y soustraire sauf dérogations en raison de son état de santé ou de son âge.

 

Une place devrait être ouverte d’abord à la négociation territoriale, puis à la réquisition si nécessaire.

 

Je sais que ces mesures sont très fortes, exceptionnelles, mais je demande que l’on considère pleinement l’urgence de la situation. Nous ne pouvons plus attendre.

 

Pour le court et moyen terme

 

En parallèle de ces mesures d’urgence, nous devons traiter la question du moyen terme, c’est-à-dire réorganiser en profondeur et durablement les réponses collectives dans les territoires.

Nous connaissons les sujets : poser les responsabilités de chacun à l’échelle des territoires, de l’élu à l’usager en passant par l’hôpital ou la clinique, aller vers une plus juste rémunération de chacun et des efforts consentis, augmenter le nombre de professionnels formés et leur répartition dans les territoires en fonction des priorités de santé, corolaire indispensable de permanence des soins.

 

Cela implique un temps de concertation, à partir des besoins objectifs de santé publique, puis des arbitrages du Gouvernement. C’est à ce titre que la FHF a appelé, dans le cadre de sa plateforme de propositions pour la présidentielle, à des Etats généraux de la santé dès cet été. Je me félicite que le Président de la République en ait retenu l’idée, en proposant une conférence des parties prenantes sur l’accès aux soins.

 

Pour la santé publique, pour les hospitaliers, l’enjeu de cette conférence est vital. Il ne faudra pas éluder les vrais sujets, accepter d’investir, et ne pas reculer devant les mesures nécessaires. La communauté hospitalière fera des propositions fortes en ce sens qui devront être entendues.

 

 

Au-delà, les 100 premiers jours du Gouvernement doivent permettre de poser les jalons concrets pour transformer le système de santé.

Cent jours, c’est le temps qui sépare le début de la législature du début des travaux parlementaires sur la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.

Dans ce laps de temps, il y a un défi à relever : faire de la santé et de l’autonomie des priorités pour le quinquennat. La communauté hospitalière a identifié plusieurs leviers à activer immédiatement pour y parvenir :

 

Notre demandons que la mise en œuvre de la loi sur le Grand Âge attendue depuis 15 ans soit engagée sans délai. Les constats ont été maintes fois faits et sont partagés, les solutions sont connues et consensuelles, il faut entrer dans le temps de l’action. La Loi devra identifier de nouvelles sources de financement pour permettre à la cinquième branche de la sécurité sociale de financer la création des 20 000 emplois et 10 000 places par an pendant le quinquennat. C’est indispensable pour répondre à l’urgence démographique et à ces défis. Le changement du modèle d’accompagnement de nos aînés doit accorder une plus grande place au domicile tout en adaptant les modalités d’accueil existantes aux ainés de demain. Les récents scandales l’ont montré, l’enjeu de proposer une offre d’accueil de qualité, accessible financièrement et respectant la dignité des résidents est un enjeu de société très largement partagé.

 

Nous demandons aussi un cadre pluriannuel pour la santé, qui déploie les chantiers urgents, et sécurise les financements. Par l’intermédiaire de lois de programmation, il s’agit d’assurer aux hospitaliers que nous ne retomberons pas dans une logique d’économies comptables qui nous guette et surtout que nous dégagerons les ressources nécessaires pour financer les hausses d’effectifs indispensables, la recherche, l’innovation et l’investissement.

 

Il y a une grande attente sur ces sujets, plus encore dans le contexte d’inflation galopante. Pour les hôpitaux publics, en 2022, l’inflation estimée par le FMI à 5.7% en moyenne dans les pays développés représentera au moins 700 M€ de surcoûts par rapport aux projections de l’ONDAM, sans considération de la revalorisation du point d’indice. Cela ne vous surprendra pas, nous demandons que ces surcoûts soient pleinement compensés et que l’ONDAM soit abondé. 

 

Il s’agit aussi, de prévoir l’évolution des métiers, d’adapter la formation aux évolutions des prises en charges, des techniques, en adéquation avec les besoins, d’augmenter les capacités réelles de notre appareil de formation à l’horizon d’un quinquennat.

 

Il s’agit enfin, tout simplement, de tracer le cap de la transformation de notre système de santé : les modes de financements et de rémunérations doivent être entièrement revus au prisme de la pertinence des soins et de la prévention. Sans oublier enfin, la transition écologique, qui est vitale pour la santé. Ne faut-il pas avancer, par exemple, vers un système où une partie des financements des acteurs de soins d’un territoire serait liée à l’amélioration des indicateurs de santé publique ? Dans l’avenir la prévention ne doit plus couter aux acteurs mais être rétribuée équitablement.

 

 

Dans ce cadre nouveau, l’Europe de la santé est à la fois une perspective et d’ores et déjà une réalité.

Je sais que nos partenaires européens se posent les mêmes questions. La conférence sur l’avenir de l’Europe montre combien notre Union est à l’aube d’innovations majeures.

Ensemble, comme il y a un European Green Deal, il nous revient de poser les jalons d’une nouvelle politique européenne de santé. Une politique européenne de santé qui soit, évidemment, respectueuse des priorités et des particularités de chacun, mais coordonnée face à nos défis communs.

Nous devons redoubler d’énergie pour renforcer nos capacités européennes en matière de recherche, pour consolider notre appareil industriel et la filière du médicament. Je sais que, depuis novembre dernier, les règlements révisant le rôle de l’agence européenne du médicament et l’agence européenne de contrôle des maladies ont été adoptés et celui plus général sur les menaces transfrontières est en bonne voie.

 

Je sais aussi combien nos politiques de santé européennes sont liées aux avancées et travaux communs sur nos données de santé. C’est pourquoi nous avons souhaité inviter nos amis et partenaires européens à s’exprimer sur le sujet.

 

Mais avant d’accueillir ce moment d’échange européen et multinational sur un sujet absolument crucial, L’Espace Européen des données de santé, que la FHF est très fière et heureuse d’accueillir maintenant, sous le label de la Présidence Française de l’Union européenne, je veux terminer en partageant avec vous une conviction profonde.

 

La dureté des temps et des contraintes, les difficultés de court et moyen terme, la crainte du retour des injonctions paradoxales et de pilotage à courte vue, le bureaucratisme désespérant, le désenchantement qui s’installe à tous les étages de l’Hôpital, la crise de sens qui trop souvent obscurcit l’avenir et la perte de bon sens qui trop souvent nous désespère… tout cela et tant d’autres travers que je n’ai plus envie d’énumérer, ne peut plus durer pour une simple et bonne raison. Soit le système de santé se transforme radicalement, et c’est aux pouvoirs publics de donner le « la ». Soit nous nous enfonçons dans une irrémédiable crise qui va conduire à faire fuir, et je le crains dans des proportions plus importantes que jamais, ces hospitaliers qui tous les jours, quels que soient leurs grades et leurs qualités, comme on dit, servent et font tourner nos établissements.

 

Alors soyons optimistes et exigeants. Si nous ne le sommes pas nous-mêmes, qui le sera à notre place ? La période qui s’ouvre doit permettre de relever l’étendard du service public hospitalier, à défaut de le voir un peu plus être abimé.

 

La FHF est déterminée à apporter des idées qui feront de ces prochaines années des années utiles, pour une transformation volontaire et audacieuse de notre système de santé. La FHF est d’autant plus déterminée qu’elle se sait forte de vos contributions, de votre soutien et de votre engagement efficace à défendre l’essentiel.

 

Vous m’avez appris, toutes ces dernières années, qu’on n’était pas hospitalier par hasard. Vous n’êtes pas là par hasard, mais parce que vous y croyez !

 

Je vous remercie.

Je laisse maintenant la place à Antoine Malone, responsable du pôle Europe de la FHF, qui va introduire cet échange.