Télémédecine, cap sur l'ambulatoire, maison de santé, quel est le profil du cabinet médical du futur, bientôt virtuel ?

XERFI-PRECEPTA se penche sur le sujet et publie une étude « Les marchés de la téléconsultation et du téléconseil médical - Opportunités et défis autour de la médecine en ligne à l’horizon 2022 »

Publié le 22 janvier 2019

XERFI-PRECEPTA vient de publier une étude approfondie sous le titre :

« Les marchés de la téléconsultation et du téléconseil médical - Opportunités et défis autour de la médecine en ligne à l'horizon 2022 »

A l'évidence, la prise en charge des téléconsultations par l'assurance maladie en septembre 2018 a changé la donne. Elle ne sera pourtant pas suffisante pour faire décoller le marché des services et équipements de téléconsultation et téléconseil médical pour la médecine ambulatoire. A titre indicatif, la taille du marché des cabinets médicaux virtuels va ainsi dépendre du taux d'équipement des médecins et du montant moyen des abonnements. Sur la base d'un équipement de la totalité de la population de médecins libéraux (105 000 en France) et d'un montant moyen facturé de 20 euros par mois (240 euros par an), le marché pourrait atteindre jusqu'à 25 millions d'euros par an, selon les experts de Xerfi Precepta. La taille de ce marché, indissociable de celui de la prise de rendez-vous en ligne, dépendra étroitement de la stratégie tarifaire de Doctolib, leader incontesté dans ce domaine en France. Déjà, une cinquantaine de plateformes et de fournisseurs de solutions se sont positionnés en France sur ce marché hautement stratégique. Il est susceptible d'avoir un effet d'entraînement pour une multitude de grands secteurs, des logiciels et applicatifs santé aux dispositifs et équipements médicaux, en passant par l'assurance santé.

Compte tenu des conditions de remboursement définies, l'essor du marché se structurera autour de trois catégories de prestations : les téléconsultations programmées de suivi (remboursables), les téléconsultations immédiates à la demande (exceptionnellement remboursables) et le téléconseil médical (non remboursable mais adapté à des besoins d'accompagnement à la lisière entre médical et bien-être). Des modalités de prise en charge qui auront un impact déterminant sur la structuration du marché et les modèles de développement des acteurs. Déjà, le remboursement des téléconsultations signe en partie l'arrêt de mort des services de téléconseil médical payant par les utilisateurs finaux. Les acteurs s'orientent donc, dans la plupart des cas, vers des modèles de revenus BtoB et BtoBtoC.

En BtoB, les professionnels et structures de santé s'acquittent d'un abonnement. En clair, les médecins souhaitant proposer à leurs patients la possibilité de programmer des téléconsultations remboursables devront souscrire à des offres d'abonnement proposées par les plateformes en ligne. Les pouvoirs publics solvabilisent en partie ce marché par le biais du forfait structure dont bénéficient chaque année les médecins pour leur équipement en vidéotransmission sécurisée ». Outre les cabinets médicaux virtuels, l'équipement d'autres structures sanitaires ou médico-sociales, telles que les EHPAD, représente un second levier de diffusion des modèles de revenus BtoB autour de solutions de cabinets et stations mobiles de télémédecine en particulier, de l'avis des experts de Xerfi Precepta. Des dizaines de milliers de structures sont en effet potentiellement équipables. Les marges d'équipement les plus importantes apparaissent auprès des maisons de retraite médicalisées avec plus de 7 500 EHPAD en 2018.

D'autres débouchés BtoBtoC pour les acteurs du marché sont en lien avec les mondes de l'assurance et de l'entreprise. Dans le cadre de démarches de prévention et d'assistance, les services de téléconseil médical/téléconsultation immédiats centrés sur le monde de l'entreprise se diffusent en effet via les offres des acteurs du monde de l'assurance santé. De ce point de vue, la généralisation de la complémentaire santé dans les entreprises du secteur privé en janvier 2016 (ANI) a donné un coup d'accélérateur décisif.

Les obstacles à surmonter sont toutefois nombreux. Pour lever les freins et les réticences des patients, l'initiation des démarches et l'accompagnement par les professionnels de santé seront essentiels. Du côté du corps médical, il s'agira d'installer de nouveaux modes d'exercice et de coopération professionnelle.

Une course a par ailleurs été lancée pour mobiliser les relais de diffusion les plus pertinents auprès des patients tels que les médecins, EHPAD, pharmaciens et autres acteurs institutionnels. Mais les conditions de remboursement définies et l'entrée en jeu de Doctolib, le leader de la prise de rendez-vous médicaux en ligne, imposent aujourd'hui de réajuster stratégies et business models. Les deux-tiers des opérateurs - des start-up françaises d'à peine quelques années d'existence - devront alors se démarquer des grands groupes comme Doctolib et Cegedim, des plateformes exclusives créées par les assureurs comme Axa Assistance et des fabricants de dispositifs connectés comme Visiomed.

Face à Doctolib, s'extraire d'une logique de simple marketplace

Car Doctolib a toutes les cartes en main pour imposer sa force de frappe en tant que vaste marketplace en services de téléconsultation. En clair, les autres plateformes auront du mal à rivaliser. Alors que la logique de simple marketplace semble vouée à l'échec, deux voies sont envisageables pour s'extraire de la compétition : la spécialisation ou la différenciation. Pour les plateformes spécialisées, il s'agit de consolider sa marque autour d'un spectre large de services sur son champ de spécialisation, à l'image de Doctoconsult pour la santé mentale. Les schémas de différenciation passent, eux, par l'élaboration de solutions dépassant la simple mise en relation entre client et médecin pour réorganiser le parcours de santé dans sa globalité. Les dispositifs connectés et l'intelligence artificielle joueront à ce titre un rôle déterminant. Sans oublier que les alliances avec des acteurs complémentaires permettront de renforcer la capacité d'innovation tout en multipliant les portes d'entrée vers les utilisateurs. En somme, tout reste à faire dans ce marché encore balbutiant.

Auteur de l'étude : Emmanuel Sève